LE CINÉASTE BALUFU BAKUPA-KANYINDA ET LE PRÉSIDENT IBRAHIM TRAORÉ RÉPUTÉS GARDIENS DE LA MÉMOIRE PANAFRICAINE !
• Des visions convergentes autour du mausolée Thomas Sankara.
Ouagadougou, Burkina Faso – Dans le panthéon des figures culturelles et intellectuelles africaines, le nom de Balufu Bakupa-Kanyinda brille d’un éclat singulier.
Écrivain, poète, cinéaste de renommée internationale, et actuel directeur général du Centre culturel et artistique pour les pays d’Afrique centrale (CCAPAC), Balufu est bien plus qu’un artiste polyvalent ; il est un ardent défenseur de la mémoire, un pont entre les générations et un gardien des idéaux panafricains.
Originaire de la République démocratique du Congo, son œuvre et son engagement sont intrinsèquement liés à des figures emblématiques comme Thomas Sankara et Patrice Lumumba, dont il a été le premier à documenter la vie sur grand écran.
Son récent séjour au Burkina Faso pour l’inauguration du mausolée de Sankara n’est pas seulement un événement public, mais la culmination d’un combat personnel et artistique de plusieurs décennies pour que l’histoire africaine soit racontée avec dignité et que ses héros ne tombent jamais dans l’oubli.

UNE CARRIÈRE AU SERVICE DE LA MÉMOIRE ET DE L’IDENTITÉ AFRICAINE
La trajectoire de Balufu Bakupa-Kanyinda est celle d’un artiste dont le pinceau n’est pas l’encre, mais la caméra, et dont la toile est l’histoire et la mémoire africaines.
Son engagement pour la préservation de la mémoire du Capitaine Thomas Sankara est sans doute l’un des chapitres les plus emblématiques de sa carrière.
Dès 1989, à une époque où le nom de Sankara était encore sous une « chape de plomb » et où le silence régnait au Burkina Faso, Balufu Bakupa-Kanyinda a entrepris la réalisation du tout premier film documentaire sur le père de la Révolution burkinabè. Cette initiative audacieuse, présentée au Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO) en 1993, était un acte de résistance artistique, une affirmation de la nécessité de ne pas laisser l’oubli engloutir l’héritage d’un leader visionnaire.
Le film, qu’il décrit comme « poétique », ne cherchait pas une dissection politique aride, mais plutôt à capturer l’essence d’un « homme que j’aime, d’un homme que nous devons aimer », soulignant l’importance de l’attachement émotionnel et humain à ces figures historiques.
Cette œuvre a non seulement servi à briser le silence, mais a aussi permis à la diaspora africaine de continuer à parler de Sankara, prouvant le pouvoir du cinéma à maintenir vivante une mémoire collective face à l’amnésie imposée.
C’est une démarche qui s’inscrit dans un engagement plus large sur les « questions de mémoire » qu’il travaille « depuis longtemps », comme il le confie, et qui est profondément enracinée dans son admiration pour Patrice Lumumba, une figure sur laquelle il travaille depuis 1980, montrant la continuité de son dévouement aux icônes du panafricanisme.
Son rôle actuel de directeur général du Centre culturel et artistique pour les pays d’Afrique centrale (CCAPAC) confère à Balufu une plate-forme institutionnelle pour amplifier cet engagement.
Il peut désormais œuvrer à structurer des initiatives culturelles et artistiques qui célèbrent et transmettent l’histoire, la citoyenneté et le panafricanisme aux jeunes générations de l’Afrique centrale.
Cette position lui permet de fusionner sa passion pour le cinéma et la poésie avec une mission éducative et de sensibilisation plus large, démontrant ainsi comment l’art peut être un puissant véhicule de transformation sociale et de construction identitaire sur le continent. Son parcours incarne la conviction que la culture n’est pas un simple divertissement, mais un pilier essentiel pour forger l’avenir d’une Afrique consciente de son passé et de son potentiel.
DE L’ÉMOTION BRUTE DU TÉMOIN À L’ARCHITECTE DE LA MÉMOIRE
L’expérience de Balufu Bakupa-Kanyinda au Burkina Faso est profondément marquée par une émotion personnelle qui a forgé son engagement.
Il raconte son arrivée clandestine à Ouagadougou en 1987, peu après l’assassinat de Sankara.
Le « cri du corbeau et du vautour » au petit matin, la lumière « cendrée, bleue, grise » du Sahel, et la vision d’un « grand baobab qui élève ses branches vers le ciel comme une imploration » au milieu de « détritus », sont des images qui se sont gravées en lui.
Ce tableau poignant, celui d’un héros inhumé dans l’indignité, a servi de « déclic », une raison impérieuse de faire son film.
Il a ressenti l’urgence de garder la mémoire de Sankara, ce « Lumumba de [sa] génération », qui avait apporté une « fraîcheur » dans une Afrique « sombre, profondément néocoloniale ». Pour Balufu, Sankara était un « éclair d’espoir » qui prouvait que les combats des Patrice Lumumba, Kwame Nkrumah, Steve Biko, Robert Sobukwe et Amílcar Cabral n’étaient pas vains, et qu’il fallait « continuer le combat ».
C’est de cette conviction profonde, née de la tragédie et de l’admiration, qu’est né son projet cinématographique.
Le fait que Balufu ait persisté dans son travail de mémoire, même lorsque des « débats interminables » éclataient sur le boycott du FESPACO après la mort de Sankara, montre une détermination inébranlable.
Il a choisi de « venir comme d’habitude », considérant qu’il était « impératif que sa mémoire soit gardée quelque part ».
Cette résilience a finalement porté ses fruits avec l’inauguration du Mausolée Thomas Sankara, un lieu qu’il ne voit pas comme un simple cimetière, mais comme un « mémorial » : un « lieu de transformation des mentalités, de rencontre, d’éducation à la citoyenneté et au panafricanisme ».
Sa rencontre récente avec le Président burkinabè, Ibrahim Traoré, l’homme fort du pays, dans le cadre de cette inauguration, est une consécration symbolique de son combat de longue date. Le sentiment d’un combat qui trouve sa juste reconnaissance, la fierté de voir une mémoire longtemps bafouée enfin honorée au plus haut niveau de l’État, et l’espoir que ce mausolée devienne véritablement ce temple de la citoyenneté et du panafricanisme qu’il appelle de ses vœux, sont sans doute les émotions qui traversent cet homme qui a dédié une partie de sa vie à ce projet.
Terrorisme au Sahel et agression en RDC : même commanditaires, même combat
Le cinéaste congolais Balufu Bakupa-Kanyinda tire la sonnette d’alarme après des échanges à Ouagadougou, au Burkina Faso: « Les kalachnikovs qui ensanglantent le Sahel sont chargées dans les mêmes arsenaux que celles qui terrorisent l’Est congolais ».
La déclaration fracassante du cinéaste et intellectuel congolais Balufu Bakupa-Kanyinda, prononcée lors d’une série de rencontres avec des autorités et journalistes burkinabè, jette une lumière crue sur les connexions entre les crises qui secouent l’Afrique.
L’analyse sans concession du réalisateur révèle un schéma identique de déstabilisation : que ce soient les djihadistes sahéliens, les rebelles congolais (M23/AFC) ou le régime rwandais de Paul Kagame, tous obéiraient à la même logique orchestrée depuis l’étranger.
« On nous vendait Kagame comme un modernisateur, alors qu’il n’est qu’un sous-traitant des ennemis de l’Afrique, assène-t-il.
Ses massacres à Goma et Bukavu, et les crimes terroristes au Burkina, Mali et Niger sont les deux faces d’une même pièce ».
Bakupa-Kanyinda salue la démystification opérée par le président congolais Félix Tshisekedi, qui a révélé au monde la véritable nature de ce « prétendu modèle africain ».
Son plaidoyer met en exergue l’urgence d’une convergence entre les pays de l’Alliance des États du Sahel (Burkina Faso, Mali, Niger) et la RDC pour former un front diplomatique commun à l’Union africaine (UA) et à l’organisation des nations unies (ONU), ainsi que la nécessité de dévoiler les circuits financiers occultes qui alimentent ces groupes.
« Quand un Burkinabè meurt à Dori ou un Congolais à Rutshuru, le sang coule pour les mêmes intérêts, conclut l’artiste engagé.
Notre unité est notre arme absolue ».
Un appel à la prise de conscience qui résonne comme un avertissement pour l’ensemble du continent.
Balufu Bakupa-Kanyinda incarne la puissance de l’engagement individuel et artistique dans la construction d’une conscience collective et d’un futur africain enraciné dans ses propres valeurs.
David MUTEBA KADIMA