Seuls 5 % des Congolais ont accès à des soins spécialisés
La République démocratique du Congo a marqué, le vendredi 10 octobre, la 33ᵉ Journée internationale de la santé mentale en se confrontant à une réalité particulièrement douloureuse.
Sous le thème poignant « Accès aux services de santé mentale en cas de catastrophes ou de situations d’urgence », la cérémonie officielle, organisée par le Programme national de santé mentale (PNSM) à l’hôtel Béatrice, à Kinshasa, a rapidement braqué les projecteurs sur la crise humanitaire et sécuritaire sévissant dans l’est du pays.
Les échanges ont mis en lumière les millions de victimes de violences et de déplacements forcés, aujourd’hui privées non seulement d’un accès aux soins de santé élémentaires, mais plus cruellement encore, aux soins de santé mental, pourtant essentiels à la gestion des traumatismes.
Cette journée n’a pas été une simple commémoration : elle s’est révélée être un moment de vérité, où l’urgence de panser les plaies invisibles des conflits a été placée au centre du dialogue national.
Il est apparu clairement que la négligence prolongée des troubles psychiques non traités représente une bombe à retardement, menaçant la reconstruction du tissu social congolais.
UN DÉCALAGE TERRIBLE : L’INCURIE FINANCIÈRE ET SOCIALE FAIT EXPLOSER LA SOUFFRANCE MENTALE
Les chiffres avancés par le directeur du PNSM, Gédéon Samba, ont révélé un décalage aussi cruel qu’alarmant entre les besoins réels de la population et la capacité de l’État à y répondre.
Celui-ci a tiré la sonnette d’alarme : seuls 5 % des Congolais ont aujourd’hui accès aux services de santé mentale.
Cet indicateur d’incurie est d’autant plus préoccupant que la situation sociale, économique et sécuritaire ne cesse de se détériorer dans de vastes régions du pays.
Face à l’accumulation des stress post-traumatiques, des deuils non faits et des conséquences psychologiques de la précarité, Gédéon Samba a exprimé une crainte majeure : que le taux réel de personnes souffrant de troubles mentaux puisse atteindre jusqu’à 50 % de la population.
Une telle explosion de la souffrance psychique souligne l’urgence d’une mobilisation massive des ressources. Car à ce niveau de détresse collective, ce sont la stabilité politique, la productivité économique et la paix sociale qui se trouvent directement menacées.
DU DIAGNOSTIC À L’ACTION : VAINCRE LA STIGMATISATION POUR CONSTRUIRE UNE PAIX DURABLE
Face à cette réalité alarmante, le ministère de la Santé, à travers le Programme national de santé mentale, s’est engagé à renforcer la coordination et la mobilisation de tous les acteurs concernés.
Cet engagement traduit une prise de conscience : la santé mentale est désormais un enjeu de sécurité nationale et de développement durable.
L’effort attendu est double. D’abord, il est impératif de lutter intensément contre la stigmatisation, encore très présente en RDC, où les troubles mentaux sont trop souvent associés à la sorcellerie ou perçus comme une faiblesse morale.
Il est vital d’éduquer la population pour « soigner les esprits » et normaliser la demande d’aide psychologique.
Ensuite, garantir un accès rapide aux soins de santé mentale pour les populations touchées par les conflits dans l’Est du pays constitue une stratégie essentielle pour construire une paix durable.
Un traumatisme non traité est un terreau fertile pour la violence cyclique et l’effondrement du tissu social.
L’engagement du gouvernement congolais doit désormais se traduire par des actions concrètes, des budgets alloués, et l’intégration effective des soins psychologiques dans les structures de soins primaires.
Faute de quoi, la crise sanitaire mentale pourrait bien devenir le principal obstacle à la stabilité nationale.
Gabriella Dina Kim
